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par loval » sam. oct. 27, 2012 12:39 am
Skyfall de Sam Mendes
Comme à l'accoutumée, le nouvelles aventures de l'agent 007 s'ouvrent dans un fracas de bruits et d'images. James Bond, en mission avec ses collègues en Turquie, découvre une planque mise à mal, avant de partir à la poursuite de la cible. Carambolages, course à moto sur les toits, affrontement sur un train roulant à pleine vitesse; « Skyfall » dynamite sa scène d'introduction. Et là, pourtant, un changement s'opère. Suite à un mauvais tir, Bond est laissé pour mort. La thématique de la disparition, et surtout celle de la résurrection, va alors déployer ses ailes et enlacer tout le récit. A l'instar du phénix, l'agent britannique va renaître de ses (présumées) cendres et s'élever à nouveau. Une résurrection particulière, puisqu'elle s'applique à deux niveaux; celle, primaire, de son personnage qui revient d'entre les morts, et celle plus générique, qui touche à la saga de l'agent 007. Deux niveaux qui se croisent et se mélangent, car à mesure que Bond évolue dans le récit, levant ainsi le voile sur certains aspects de sa personnalité, le traitement de l'agent prend une tournure qui dénote les précédents films et anciennes méthodes employées par le passé.
En outre, « Skyfall », c'est aussi le « Rosebud » de 007. Sans pour autant comparer Sam Mendes à Orson Welles (et personne n'en a l'intention), ce mot, qui revient avec parcimonie dans le film, fait écho à « Citizen Kane », puisqu'il révèlera son sens dans un acte final sublime, dont la détonation résonnera rétroactivement. Dans son final, le réalisateur frôle l'élégie grâce à un décor et à une photographie somptueux. Cette dernière, signée par le grand Roger Deakins, s'avère magnifiée par le contraste que créent, en deux temps, le gris et le rouge, tous deux issus de causes naturelles.
Mendes s'inscrit dans la lignée des précédents films ayant Craig pour Bond, poursuivant les traits esquissés depuis « Casino Royale ». S'il abandonne néanmoins le thème de la vengeance qui hantait « Quantum of Solace », le réalisateur renforce la dimension humaine du protagoniste, et cela sans dénaturer ce que les prédécesseurs firent par le passé. Une des forces du film réside dans sa réussite à humaniser Bond sans sentimentalité, et sans exploiter des faiblesses ajoutées. Ainsi, l'objectif est atteint grâce aux autres personnages, qui véhiculent les particules d'émotions que la froideur du protagoniste ne communique que par fractionnements, principalement à travers son regard. Une caractéristique dans laquelle Craig excelle et dont Mendes a su s'emparer habilement – il n'y à qu'a voir la construction du tout premier plan du film pour le comprendre, où la silhouette noire de Bond avance dans un couloir et se rapproche de la caméra, s'arrêtant à une distance définie de l'objectif où seul ses yeux se retrouvent soudainement éclairés par un faisceau lumineux.
Bien que la thématique de la vieillesse et du cycle de la vie subissent un traitement parfois trop appuyé, Mendes rééquilibre la parole par les images, dans des plans souvent muets, où il laisse les acteurs s'exprimer, apportant une grande autonomie à la gestuelle. C'est notamment le cas de cette fin de cette scène où M, seule dans son bureau, fait face à une fenêtre, dont le vide extérieur reflète sa culpabilité, et où l'on sent tout le fardeau de la vie écraser ses épaules. Tout ceci sans mot, dans le seul et unique bruit de la pluie. Face à une telle réussite dans la gestion de la sentimentalité, l'on regrette que le personnage de Séverine (la belle Bérénice Marlohe, l'une des meilleures James Bond girl récentes), soit trop vite expédié. La déception est grande, car les quelques pistes parsemées dans le film laissent imaginer à ce dont ce personnage intriguant aurait pu aboutir.
Avec son atmosphère élégiaque, « Skyfall » annonce une fin, ou plutôt des fins. Sans être le chant du cygne absolu, le film de Mendes lorgne du côté du cimetière, avec ses démons du passé et du futur. Mais au-delà de la mort, c'est surtout de la renaissance dont traite ce 23ème James Bond, et l'on ne peut que s'impatienter de ce qu'adviendra l'agent britannique au cinéma; les trois derniers films avec Craig ont su apporter un vrai vent de renouveau sur cette saga qui commençait à cumuler la poussière. Une excellente chose pour le 50ème anniversaire des aventures de 007 sur grand écran, que l'on peut célébrer avec ce film d'une grande réussite.