J'ai vu pas mal de trucs récemment alors je me lance, old school style, booya !
Shaun Le Mouton - La Ferme Contre Attaque (2019) de Will Becher & Richard Phelan
PPPPPPPPPPPOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO POPOPOPOPO POOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !
Après un Early Man trop timide et dédié aux gosses, Aardman is back avec le feu sacré qui les caractérise si bien et putain, z'ont pas fait semblant.
C'est aussi généreux que le premier, avec un gag fendard à chaque plan, des références dans tous les sens servies de façon malines et digestes (je me suis toujours pas remis du clin d'oeil à Arrival), c'est d'ailleurs un meilleur Men In Black que le dernier Men In Black (c'est pas dur vous me direz) et c'est chatoyant, attachant et mimi comme tout, avec ce qu'il faut de fond pour justifier tout ça.
Dans le genre, le sort réservé à la bad guy montre bien la sagesse des types, et tout ça est d'autant plus une bonne nouvelle que le film est réalisé par des mecs débarqués dans le courant des années 2000-2010 chez Aardman, preuve s'il en est que Nick Park et Peter Lord (juste prod exécutifs ici) sont en train de passer le flambeau en gardant l'identité du studio intacte. Et comme en plus les mecs casent un petit remix des Chemical Brothers parfaitement senti, comment voulez-vous que je résiste...
Chambre 212 (2019) de Christophe Honoré
Ouais, je sais, c'est du Christophe Honoré... Mais merde, le concept du film est sympa, avec cette nana qui se retrouve face à son mari il y a 20 ans au moment même où elle vient de s'engueuler vénère avec lui au présent. Ca offre même deux trois plans symboliques plutôt jolis, et Vincent Lacoste est là pour animer tout ça, ce qui n'est pas un luxe tant on est dans du bon gros cinéma bourgeois dégoulinant, où la moindre tirade est 3 fois trop écrite pour sembler naturelle, et mettre tout le casting en burn-out direct. Camille Cottin est catastrophique, Mastroianni en fait des tonnes, et surtout tout est trop lourd pour être émouvant ou ne serait-ce qu'impliquant une minute. C'est con parce que tu files l'idée à Woody Allen, je suis sûr qu'il t'emballe ça avec légèreté et mélancolie sans broncher !
Papicha (2019) de Mounia Meddour
Le parcours d'une étudiante algérienne en 97, qui rêve de devenir styliste de mode et de vivre sa vie tranquillou alors que le pays se prend en pleine poire une énorme vague d'islamisme radical et d'oppression liberticide et misogyne.
Ça fait toujours plaisir de voir de la caméra portée bien utilisée, qui laisse le champ libre aux comédiennes de s'exprimer pour retranscrire leur quotidien sans chichi, avec un naturel déconcertant, qui prend le temps de se poser et de bien faire illusion pour mieux tout fracasser derrière.
La première irruption de violence t'en colle une sans détour, et le crescendo dramatique marche du tonnerre, prenant progressivement à la gorge, tout en mettant en avant le courage de son héroïne qui reste perfectible pour asseoir le réalisme et la qualité de l'écriture. Très beau.
Pour Sama (2019) de Waad Al-Khateab et Edward Watts
C'est un documentaire sur une syrienne qui a filmé depuis 2012 son quotidien, et l'arrivée de la guerre dans son pays, avec le régime de Bachar Al-Assad qui a progressivement foutu un bordel sans nom face aux rebelles. Elle dédie le film à sa première fille, que l'on voit naître dans le docu, et à qui elle s'excuse d'avoir fini par quitter le pays, en voulant lui montrer combien la situation était devenue invivable.
Bon, pas la peine de vous faire un dessin : c'est déchirant. J'étais en PLS en 2 minutes, le tout étant un festival d'images ultra violentes (cadavres dans tous les sens, enfants ensanglantés, césarienne en direct sur une femme mourante avec réanimation express du gamin à la sortie...), qui n'épargne rien et montre, du simple point de vue d'une citoyenne, l'horreur de la guerre le plus simplement du monde.
Et le pire, c'est qu'elle réussit à distiller de l'espoir dans tout ça, notamment lorsqu'on voit des gens terrés en sous-sol durant les bombardements qui se marrent en faisant des blagues sur la situation, et tout un tas de scénettes du même genre, d'autant plus ahurissantes qu'elles montrent à quel point ces gens là sont proches de nous. Faut s'accrocher donc, mais ça décolle une sacrée tarte et ça remet les idées en place.
Doctor Sleep (2019) de Mike Flanagan
Le projet boiteux par excellence.
Déjà parce qu'il part de la suite de Shining écrite par Stephen King, qui n'aime pas le film de Kubrick et reprend les rênes du truc, sauf qu'on est au cinéma, et que dans l'inconscient collectif, c'est Stanley qui a emporté la mise, donc ils doivent composer avec et réimposer tout un tas de règles dont Kubrick se foutait, rationalisant son film au passage.
Rien que ça c'est horrible, mais c'est d'autant plus con que les 3/4 du film sont une enquête paranormale tout droit sortie d'un mauvais Shyamalan (pléonasme), qui tombe petit à petit dans un ridicule latent, avec en tête de gondole une Rebecca Ferguson absolument pathétique dans son rôle de méchant gypsy, au point que ses apparitions frôlent le nanar. En retirant Shining, ça aurait peut être pu tenir un peu la distance, mais tout ça finit par raccrocher les wagons, et ça devient encore plus gênant dans l'exploitation débile de l'univers, d'autant que le scénario n'a aucun sens.
Puis la réal toute plaplate de Flanagan, qui aligne les plans fixes mollement en espérant créer de la tension avec, merci bien...
Bref, c'est tout claqué.
Swing Kids (2018) de Hyeong-Cheol Kang
Je dois dire le plus grand des mercis à Sigurd, sans qui je n'aurais sans doute pas été voir Swing Kids au festival du film coréen de Paris.
Et ça aurait été con, vu que ce que j'ai vu de mieux cette année dans une salle de ciné, et Katia aussi par la même occasion !
Pendant 45 minutes, vazi que je t'envoi du feel good movie musical endiablé, où les scènes de danse sont emballées avec la nervosité et la précision d'un Whiplash, ce qui est déjà suffisant pour te faire taper du pied frénétiquement. Mais tu te dis aussi que pour un film parlant d'un camp américain de prisonniers en Corée du Sud durant la guerre de Corée, c'est léger tout ça.
Et cette pensée n'a pas trop le temps de grandir que le film fait un volte face et t’envoie en pleine poire toute la violence de son contexte, questionne tous les personnages sur les paradoxes moraux qui les travaillent, s'offrant le luxe d'avoir un arc narratif pour chacun d'eux (et ils sont nombreux en plus ces cons), confrontant tout ce beau monde sans jamais trancher mollement. Et si cela ne suffisait pas, le film refuse d'être binaire, opérant un va et vient constant entre les tonalités, jonglant entre rires et larmes, légèreté et drame, fun et émotion, se posant comme un vrai ascenseur émotionnel que rien n'arrête, et qui réussit son numéro d'équilibriste génial sans jamais tirer vers le bas quoi que ce soit, assumant tous ses choix jusqu'au bout en les faisant cohabiter à merveille. Ça tient du miracle, et j'ai fini le film en feu tellement je bouillonnais à l'intérieur, aussi bien éclaté par les scènes de danse toutes plus géniales les unes que les autres, que tourmenté intérieurement par la pertinence du propos.
"Fuck ideology" comme ils disent, et bienvenue dans le club des films qui posent la danse comme un lien universel et une réponse à tous les maux.
Un club très privilégié et précieux qui, on le sait bien, représente le meilleur du cinéma.